« EAU de vie », tel était le premier titre du recueil Alcools d’Apollinaire publié en fin
Avril 1913 au Mercure de France. C’est l’aboutissement de quinze années de
travail poétique qui s’achève dans le regroupement de plusieurs poèmes dont le
dernier, intitulé « Zone » a été rédigé en 1912 et constitue le poème
liminaire de l’œuvre à la place de la célèbre « Chanson du mal aimé ».
Apollinaire a, en effet, réorganisé le recueil à la dernière minute et de
surcroit a effacé toute ponctuation de ses poèmes.
Le recueil est à
l’époque une petite révolution dans le monde de la poésie, un véritable
manifeste du vers libre qui supplante tout ce qui a précédemment existé en
termes de thèmes abordés. Cependant l’accueil du recueil est mitigé. Il sera
tiré à 567 exemplaires.
Le recueil est
suivi de Le Bestiaire d’Orphée très
semblablement difficilement dissociable d’Alcools
puisque de nombreux animaux de ce bestiaire sont en relation directe avec des
poèmes comme « Zone », « Nuit d’automne ». Il a été
illustré par le génial Raoul Dufy de très somptueuses et travaillées
illustrations en noir et blanc qui ont été imprimées à partir de presses de
bois sculptées. Vitam Impendere Amori semble
quant à lui est être prolongement plus lyrique d’Alcools, plus concentré sur
les déboires amoureux de poète.
POUR Apollinaire,
la vie est indissociable de la poésie. Ce sont deux mondes qui se rejoignent et
ne font qu’un. C’est un recueil de poèmes difficiles, assez hermétiques et qui
laisse entendre une très grande érudition et un esprit futé. En effet, les jeux
de mots, les formes et les symboles implicites semblent pulluler à travers une
vaste fresque lyrique où l’élégie des amours malheureux, les pérégrinations du poète et les différentes
légendes ensorcellent le lecteur, comme dans la « Loreley ».
LES poèmes sont
aussi inspirés de ses séjours en Allemagne, en Rhénanie plus particulièrement,
qui lui fournit une véritable matière en mythes, légendes et contes qu’il réécrit
avec brio et transforme à sa guise. Le cycle des « Rhénanes » avec « Nuit Rhénane », « Mai », « La synagogue »,
« Les cloches », surtout « La Loreley »,
« Schinderbannes », « Rhénane d’automne », « Les
sapins », « Les femmes » sont propices à l’éveil des rêves et
donc à l’imagination.
Le poète s’auto
dépeint également avec des poèmes comme « Mes amis m’ont enfin avoué leur
mépris », « Je n’ai plus même pitié de moi », « J’ai eu le
courage », « Pardonnez-moi mon ignorance », « J’observe le
repos du dimanche », « A la fin des mensonges », « Au
tournant d’une rue », « Templiers flamboyants » à travers le
cycle des « Fiançailles ».
On retrouve aussi
des poèmes inspirés directement du symbolisme tandis que d’autres ont plus des
tendances cubistes voire futuristes. « Zone » représente parfaitement
ce genre de poème hybride entre formes anciennes et thèmes nouveaux qui
viennent rompre avec la poésie traditionnelle.
ALCOOLS, après 100 ans d’existence, le
recueil de poésies majeur du XXème siècle, il traversera les époques sans pour
autant prendre une ride. Guillaume Apollinaire a su séduire toutes les
générations par une érudition et une maîtrise de la versification inégalée.
Pour André Billy, « ce fut un de nos derniers poètes lyriques. »
***
Il ne reste plus qu’un
livre blanc de la NRF, des post-it de couleurs qui dépassent du livre annoté de
toutes parts, glosé par l’étude et les commentaires, les coups de cœurs de ma
sensibilité et un ticket de caisse fort amusant trouvé sur une table :
ALCOOLS, prix 6,90€, date 26/02/13, 15h49m21s, acheté deux mois après les
débuts de cours sur l’œuvre. Il me reste aussi les longues soirées et matinées
penché sur les pages du livre, fouillant le moindre recoin de vers, à la
recherche de LA remarque utile et intéressante à l’évolution de la pensée
littéraire, des heures passées en salle de cours ou en amphithéâtre à soupeser
à comprendre à décrypter les vers, les formes, le style et le fond de ce
recueil passionnant.