Publié en 1913


Alcools par Guillaume Apollinaire    « EAU de vie », tel était le premier titre du recueil Alcools d’Apollinaire publié en fin Avril 1913 au Mercure de France. C’est l’aboutissement de quinze années de travail poétique qui s’achève dans le regroupement de plusieurs poèmes dont le dernier, intitulé « Zone » a été rédigé en 1912 et constitue le poème liminaire de l’œuvre à la place de la célèbre « Chanson du mal aimé ». Apollinaire a, en effet, réorganisé le recueil à la dernière minute et de surcroit a effacé toute ponctuation de ses poèmes.
        Le recueil est à l’époque une petite révolution dans le monde de la poésie, un véritable manifeste du vers libre qui supplante tout ce qui a précédemment existé en termes de thèmes abordés. Cependant l’accueil du recueil est mitigé. Il sera tiré à 567 exemplaires.
        Le recueil est suivi de Le Bestiaire d’Orphée très semblablement difficilement dissociable d’Alcools puisque de nombreux animaux de ce bestiaire sont en relation directe avec des poèmes comme « Zone », « Nuit d’automne ». Il a été illustré par le génial Raoul Dufy de très somptueuses et travaillées illustrations en noir et blanc qui ont été imprimées à partir de presses de bois sculptées. Vitam Impendere Amori semble quant à lui est être prolongement plus lyrique d’Alcools, plus concentré sur les déboires amoureux de poète.

        POUR Apollinaire, la vie est indissociable de la poésie. Ce sont deux mondes qui se rejoignent et ne font qu’un. C’est un recueil de poèmes difficiles, assez hermétiques et qui laisse entendre une très grande érudition et un esprit futé. En effet, les jeux de mots, les formes et les symboles implicites semblent pulluler à travers une vaste fresque lyrique où l’élégie des amours malheureux,  les pérégrinations du poète et les différentes légendes ensorcellent le lecteur, comme dans la « Loreley ».

        LES poèmes sont aussi inspirés de ses séjours en Allemagne, en Rhénanie plus particulièrement, qui lui fournit une véritable matière en mythes, légendes et contes qu’il réécrit avec brio et transforme à sa guise. Le cycle des « Rhénanes » avec « Nuit Rhénane », « Mai », « La synagogue », « Les cloches », surtout « La Loreley », « Schinderbannes », « Rhénane d’automne », « Les sapins », « Les femmes » sont propices à l’éveil des rêves et donc à l’imagination.
         Le poète s’auto dépeint également avec des poèmes comme « Mes amis m’ont enfin avoué leur mépris », « Je n’ai plus même pitié de moi », « J’ai eu le courage », « Pardonnez-moi mon ignorance », « J’observe le repos du dimanche », « A la fin des mensonges », « Au tournant d’une rue », « Templiers flamboyants » à travers le cycle des « Fiançailles ». « A la santé » racontent son séjour en prison, tel que Verlaine l’avait fait, alors qu’il est soupçonné d’avoir volé des statues authentiques au musée du Louvre pour les revendre à Pablo Picasso.
        On retrouve aussi des poèmes inspirés directement du symbolisme tandis que d’autres ont plus des tendances cubistes voire futuristes. « Zone » représente parfaitement ce genre de poème hybride entre formes anciennes et thèmes nouveaux qui viennent rompre avec la poésie traditionnelle.

        ALCOOLS, après 100 ans d’existence, le recueil de poésies majeur du XXème siècle, il traversera les époques sans pour autant prendre une ride. Guillaume Apollinaire a su séduire toutes les générations par une érudition et une maîtrise de la versification inégalée. Pour André Billy, « ce fut un de nos derniers poètes lyriques. »           

                IMPOSE par l’Université de Bordeaux III, Alcools d’Apollinaire m’a paru à la première lecture assez dur à lire. Cette suite de poèmes assez difficiles à déchiffrer et à comprendre m’ont laissé un peu perplexe. L’étude des différents poèmes, appuyé par des cours bien documentés sur la vie d’Apollinaire m’ont permis d’apprécier le recueil.
                Les cours se succédant, ma compréhension aussi, mon appétence pour le recueil et l’auteur lui-même s’est accrue, j’en ai profité pour lire ses deux romans :
Les Onze milles verges et Les Exploits d’un jeune Don-Juan. Apollinaire est un homme passionnant qui a le talent et l’envie de tout bouleverser, de changer la face du monde et de la poésie tout en conservant une partie de l’héritage poétique, des traditions et des mœurs littéraires. J’ai donc relu plusieurs fois certains poèmes, les ai parcourus, décortiqués, analysés les vers. Mais le poème qui fut pour moi le plus remarquable, et sur lequel j’ai produit un exposé, fut « Zone » ; un gigantesque poème en vers libre à première vue incompréhensible mais qui se dévoile si l’on s’efforce à rechercher toutes les références cachées dans le texte ; bien que certains points demeurent inéclaircis, la compréhension globale se révèle, après coup, concluante.
                Cette entrée en poésie fut pour moi l’occasion de lire quelques poèmes de Mallarmé, de Villon, de François Coppée, de Baudelaire, de Rimbaud ou encore Verlaine. De découvrir des artistes comme Sonia et Robert Delaunay et Marie Laurencin ; des amourettes d’Apollinaire comme Annie Playden, Marie Laurencin aussi et enfin Louise de Coligny-Châtillon (« Lou ») ; Michel Décaudin, LE spécialiste d’Apollinaire, André Billy ; des amis comme René Dalize ; l’époque de la belle époque à Paris : un monde décédé sous le poids du temps.
                Alcools est un recueil de poésie complet qui représente la vie, entière et contrastée, entre échecs amoureux, revers de fortune, identité questionnée, succès littéraires, érudition et vie artistique enrichissante.

*** 

                Il ne reste plus qu’un livre blanc de la NRF, des post-it de couleurs qui dépassent du livre annoté de toutes parts, glosé par l’étude et les commentaires, les coups de cœurs de ma sensibilité et un ticket de caisse fort amusant trouvé sur une table : ALCOOLS, prix 6,90€, date 26/02/13, 15h49m21s, acheté deux mois après les débuts de cours sur l’œuvre. Il me reste aussi les longues soirées et matinées penché sur les pages du livre, fouillant le moindre recoin de vers, à la recherche de LA remarque utile et intéressante à l’évolution de la pensée littéraire, des heures passées en salle de cours ou en amphithéâtre à soupeser à comprendre à décrypter les vers, les formes, le style et le fond de ce recueil passionnant.

Mis à jour le 07/03/2013

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