Publié en 2011

Du temps qu'on existait par Marien Defalvard         C’EST après un buzz littéraire que Marien Defalvard, un tout jeune auteur de dix-neuf ans à peine, a sorti son premier livre, Du temps qu’on existait, le 1er Septembre 2011 chez Grasset. C’est à l’occasion de la rentrée littéraire que ce livre de près de quatre cent pages étonne déjà tout le monde de la littérature contemporaine.
        Jeune orléanais, il est surdoué puisqu’il passe son baccalauréat à 15 ans, s’en va en Prépa Lettres mais s’ennuie et désespère. Il quitte alors l’école pour se consacrer entièrement à l’écriture. C’est ainsi qu’il commença à dévorer des tonnes de romans, lui qui ne lisait que peu, en passant par Flaubert jusqu’à Camus, il voyage à travers les lignes de la littérature française entre la « fin du XIXème et la première moitié du XXème siècle essentiellement ». Marien commence alors à écrire son roman. « Je n’ai pas du tout construit la structure du livre. J’étais comme possédé par le besoin d’écrire. » En 2009, il envoie par la poste, - après l’impression de près de mille pages -, son tapuscrit et celui-ci est retenu par Charles Dantzig.  Ce dernier le lit et l’apprécie tout de suite et comme ayant déniché la perle rare. Pendant deux ans, Marien et son éditeur auront à restructurer l’ouvrage de fond en comble.
        De surcroit, Marien confie son goût pour le passé, son ennui du système scolaire et surtout le fait qu’il s’est toujours senti en décalage avec le « mainstream » de notre époque. Nous sommes en 2011 et Defalvard se voit publié. Il est surtout le centre d’intérêt de plusieurs critiques qui se jettent des couteaux entre ceux qui crient au génie et ceux qui démasquent un imposteur.

                « ÇA commence par un enterrement, ça finit par un enterrement », voilà ce que l’on peut lire sur la quatrième de couverture du livre jaune. L’histoire commence en 2009, un homme est semblablement mort et on l’enterre à Coucy-le-Château-Auffrique, un homme est là, qui va raconter l’histoire de cet autre homme. Puis retour dans le passé, c’est l’histoire d’un homme, né 1960 qui est en vacances à Sacierges-St-Martin dans le Berry et qui se sent bien à la lueur du soleil d’été. Il traverse avec ses parents quelques immuables villages du Nord, puis par quelques grandes villes en passant par Strasbourg, Rennes, Brest, Lyon, Tours, Orléans. Cette passion pour la géographie ressort d’ailleurs avec les noms de chapitres qui sont toujours associés à un lieu où le personnage a vécu. Marien explique qu’il n’a « jamais été dans la plupart des villes évoquées, mais depuis tout petit, [il] aime beaucoup la géographie, lire les cartes et les plans. »

PAR ailleurs, on assiste alors à un véritable résumé de sa courte vie de quarante-neuf ans. On le suit au fur et à mesure des évènements qui l’emporte, au fur et à mesure du temps qui passe. « La première fois que j’ai dit « je t’aime » […] j’avais la bouche pleine de guillemets ». C’est aussi une histoire entachée de gloses sur la société des années 70 et 80. Le tout dans un esprit satirique qui au final peut surprendre le lecteur, comme faire sourire quand on apprend son aversion pour le café ou quand le personnage se demande quelle vie peut mener les journalistes de journaux trop engagés. Ce narrateur vaniteux et homosexuel qui « danse sur son passé », vit hors de son temps et méprise une société où les gens sont de « plus en plus bêtes ».

            MAIS ce qui frappe le plus et qui rebute parfois c’est le style qui est incontestablement « différent » et qui fait de ce roman une œuvre d’art ou un déchet. En effet, il est rédigé d’une façon très spéciale, les phrases étant parfois longues, tavelées de descriptions, de figures de styles et d’une explosion de vocabulaire rare (« consolettes », « présérie »), suranné (« remembrance », « senestre ») et parfois même des néologismes tel que « oileau », « glorioler ». Certains font automatiquement le rapprochement avec Proust, pourtant Marien n’a jamais lu celui qui écrivit La Recherche du Temps perdu. Cependant, parmi tout ce vocabulaire se cache des emprunts, très recherchés tout de même, comme par exemple « lampadophore » de Mallarmé. Le dictionnaire que vous aviez laissé de côté, va vous servir à nouveau et ce, tout de suite. Alors, la prose envoute et finalement, on se perd dans la vie de l’homme et on apprend à l’aimer. Paragraphes après paragraphes, on s’étonne de savoir peut sur l’homme.
            Un style de rhétorique, très ternaire, dont le son est neuf mais dont les bords restent mal patinés, où le personnage se complait à narrer d’une enfance dont il ne s’est jamais remis, traumatisé de bonheur au sein de la maisonnée familiale. Lyrique et mélancolique, c’est de la sorte que l’on pourrait qualifier le style de Marien, presque nostalgique d’une époque à laquelle il n’a jamais vécu, mais dont il semble envier. Proust disait que « le littérateur envie le peintre, il aimerait prendre des croquis, des notes, il est perdu s'il le fait. » Defalvard a relevé le défi et a jeté son pinceau sur une toile neuve pour y imprimer un panorama jauni et délavé d’une époque révolue. « On s’aspergeait de ciel bleu. » Tant de classicisme, qui peut parfois être pompeux, mélangé à de nombreuses références (Lampedusa, Beauvoir…) qui défient Proust dans un prodigieux flux de mots, qui nous tient en éveil ou endort.
           Un humour aussi associé aux jeux de mots des poètes, « La vie sans fard, la vie sans phares » et les phrases sibyllines. Des mots associés qui ne veulent parfois rien dire à première vue, mais c’est assurément très beau ! En définitive, un style très travaillé, ciselé, sculpté avec une minutie implacable même si quelques fois des répétitions disgracieuses et des phrases bancales entachent la fresque.
             Pour conclure, Du temps qu’on existait est une ballade de fin de siècle où l’homme décédé se complait à raconter et à comprendre ce qu’il a vécu. Et c’est à ce moment-là que l’on se rend compte que le personnage est bien seul dans sa bulle. Un roman d’arrogance et de sentiments touffus, décadents à la Huysmans. Livre nimbé d’autodérision au personnage rêveur, celui-ci reste quand même attachant. On entrevoit sa vie qui coule et sa famille qui peu à peu tombe dans les tombes.
            Ce qu’on pourrait reprocher, c’est le fond et l’intrigue qui sont désespérément vides. Mais ne serait-ce pas justement le but de l’auteur ? Au début on est déconcerté par le style hors-de-tout et puis on s’y fait à force. Peu de couleurs dans ce livre, ça reste terne, noir, gris et blanc. Résumer l’œuvre serait impossible car la succession des évènements qui se fondent, entre les digressions et les actions qui s’enchaînent de façon floue, fait que, structurer cette lecture est difficile tant tout est brouillé. Mais une langue qui épouse cependant les paysages et les très nombreuses descriptions des intérieurs et des extérieurs, dans une impression de lenteur infinie sur un fond gris et pluvieux de mois de Novembre. Le temps qui passe et qui traine avec lui les nombreux thèmes que traite le livre. Alors oui, ce livre est une véritable fracture dans la littérature contemporaine.
           
            MARIEN Defalvard, d’un côté clairvoyant, d’un autre emphatique, provoque la stupeur et la curiosité. C’est à un écrivain très prometteur que nous avons affaire qui pourra très certainement mûrir son style, bien que l’on puisse penser qu’il ait du mal à se frayer une place parmi les autres du fait de son style remarquable. On peut noter qu’il a reçu le Prix de Flore 2011 délivré par Frédéric Beigbeder et le Prix du Premier roman français 2011.

Citations de Marien tirées de Loire-net.tv, recueillies par Michèle Colombel.

    « ON dirait du Proust moderne, c’est magique et puis cette extraordinaire explosion de vocabulaire… », voilà ce que j’avais écrits dans mon petit carnet rouge où je note tout ce qui touche à mes lectures. Il faut dire qu’à ce moment-là, j’étais en plein dans la lecture du livre et j’étais quelque peu envoûté par le charme de la prose de ce jeune auteur pas plus vieux que moi. Du temps qui existait est une ballade de fin de siècle (20ème siècle) où l’homme décédé se complait à raconter et à comprendre ce qu’il a vécu. Et là on se rend vite compte que le personnage est bien seul dans sa bulle. Livre nimbé d’autodérision, nostalgique est rêveur, le personnage reste quand même attachant. Nous sommes presque pris de pitié face à sa famille dont on voit certaines personnes vieillir pour finalement mourir.Du temps qu'on existait par Marien Defalvard
              Sinon, on se sent bien à la lecture du livre mais on découvre malheureusement que le fond est bien vide au contraire de la forme qui nous paraît sculptée avec précision et qui parfois même étonne (ou nous fait déchanter quand on rencontre des maladresses comme des répétitions intolérables) ! Bien qu’au début j’ai été assez déconcerté par le style, je m’y suis fait et j’ai été conquis par la suite. Cependant lorsque l’on referme le livre, on a l’impression d’avoir lu un ouvrage très long où il n’y a pas eu de moments forts ou qui nous ont fait vibrer.
                Si vous êtes un lecteur curieux, qui apprécie les styles anciens et parfois surannés, comme ceux de Zola ou Balzac ou même Proust, c’est un livre que nous pouvons vous recommander vivement. Au contraire, si vous êtes plutôt « moderne », c’est-à-dire que vous aimez lire Stephenie Meyer ou J.K. Rowling, que Boris Vian est votre idole, aux premières lignes vous serez complètements perdus et vous trouverez cela vite lassant. Dans tous les cas, je pense qu’il faut être un lecteur chevronné pour pouvoir aborder ce livre assez en décalage avec tout ce que l’on peut connaître de contemporain.

                Marien Defalvard est un écrivain très prometteur qui pourra faire murir son style dans de prochaines productions littéraires, bien que l’on puisse penser qu’il soit complètement en marge par rapport aux autres écrivains de notre époque.
               Il a été invité en Septembre 2011 sur le plateau de ‘On n’est pas couchés’ présenté par Laurent Ruquier (vidéo disponible ci-dessous) et qui a plutôt reçu des louanges de la part de Natasha Polony et de Audrey Pulvar, les critiques de l’émission.
                En tout cas le livre a fait beaucoup de bruit dans la presse people et littéraire qui a crié au génie de façon un peu trop hâtive à notre goût. Malheureusement, chez certains, il agace avec ses grands-mots sortis d’un autre siècle, si bien que nous ne comprenons pas quand on le surnomme le « Justin Bieber de la littérature française » (selon l’Express). « C’est un talent anachronique », voire archaïque. Mais c’est également sur internet que l’on se livre à une véritable bataille autour de cet auteur entre les admirateurs et les détracteurs. En bref, beaucoup de paroles qui semblent laisser insensible l’auteur qui, lui, prépare déjà un prochain roman. Oui, beaucoup de paroles qui peuvent aussi influencer les lecteurs, alors si vous voulez faire votre propre opinion sur ce livre, lisez-le

ON N'EST PAS COUCHES DU 24 SEPTEMBRE 2011


Marien Defalvard par juloos


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