Publié en 1946

J'irai cracher sur vos tombes par Boris Vian             BORIS Vian était malin car, en publiant ce livre écrit en deux semaines à l’été 1946, il prétendait qu’il avait traduit un auteur américain, petit prodige de thriller, genre très en vogue à l’époque aux Etats-Unis et en France. En réalité, Boris Vian était bien le vrai et l’unique auteur de ce livre qui scandalisa toute la critique et les lecteurs à sa parution.
            Par son titre provoquant, il devient pourtant très vite le best-seller de l’année 1947. Peu après sa parution, considéré comme pornographique et immoral, ce livre fut interdit en 1949 et son auteur condamné pour outrage aux bonnes mœurs.

           
AU sud des Etats-Unis, Boris Vian met en scène les difficultés des Noirs américains à s’intégrer dans la vie quotidienne face à la suprématie des Blancs. Lee Anderson, protagoniste du roman, est le fils d’une mère dont la couleur de la peau est très claire voire blanche. Il quitte sa ville natale après la mort de son frère, victime et pendu parce qu’il était amoureux d’une blanche (on pense aux Noirs pendus aux arbres (les « strange fruit » par le KuKuxKlan) dans le but de s’installer dans une autre ville. Ainsi Lee devient libraire et entre dans une drôle de bande locale de jeune où l’orgie d’alcool et de sexe est leur mot d’ordre. Au fur et à mesure du roman, sa volonté de vouloir venger la mort de son frère se renforcera. C’est dans de nombreuses péripéties que Lee évolue dans un monde très noir et tâché de racisme, flirtant parfois avec l’indécence et la violence charnelle (scène des petites filles de douze ans à peine…), la crudité des mots…

           
TRES loin du style des autres romans de Vian (L’écume des jours fait bien sourire à côté de ce roman destructeur), ce récit est le plus violent et le plus représentatif de la série des quatre romans de Vernon Sullivan. Roman noir de la dénonciation du racisme ambiant et de la condition invivable des Noirs dans le sud des Etats-Unis.
            Cet écrivain imaginaire a permis à Vian de s’exprimer sans artifices, dans la plus naturelle. Après un succès flagrant de cette série très noire à la fin des années quarante, ce succès laisse place à une période d’étouffement dans les années cinquante et soixante. Ce n’est qu’en 1968 que les étudiants de Mai 68 redécouvrent Vian et donc Vernon.
            Vian maîtrisait assez les thèmes et les techniques du roman noir américain et la langue anglais pour pouvoir créer des pastiches et des traductions de qualité. Voilà pourquoi l’on a cru pendant quelques temps que le livre était véritablement une traduction jusqu’au moment où Vian dû prouver qu’il détenait le texte original de l’œuvre… Pourtant il rédigea même un texte original en anglais pour le prouver ! En novembre 1948, il reconnaît finalement qu’il est l’auteur du roman à scandale, qualifié d’abomination littéraire, J’irai cracher sur vos tombes.

            EN 1959, le roman est adapté au cinéma par Michel Gast, d’après le roman éponyme bien sûr. Mais Boris Vian le désapprouve et demande à ce que l’on retire son nom du générique ! Le 23 Juin 1959, le film est projeté au cinéma Le Petit Marbeuf. Quelques minutes après le début du film, il s’effondre sur le tissu rouge de son siège, il meurt d’une crise cardiaque, à 39 ans devant l’adaptation.


                C’est le roman qui nous a le plus choqué, après Sade ! Comment peut-on avoir l’idée farfelue de mettre en scène tant de crudité que l’on en a le ventre retourné en imaginant la scène dans sa tête. De la même façon que s’exprimait Flaubert dans ses correspondances, Vian se dévoile face à son lecteur et casse l’image si tendre de L’écume des jours. C’est véritablement un roman assez facile à lire mais très dur à avaler, qui traumatise quelques temps et qui donne envie de vomir parfois tellement les sitatutions racontées sont terrifiantes. Plusieurs nous nous sommes sentis mal devant quelques mots placés côte à côte et qui pourtant sont très dur à lire.
            Vian réalise un véritable coup de maître en se passant pour le traducteur d’un auteur américain, car, en fait, il se cache derrière un pseudo pour éviter de casser le mythe et surtout parce qu’il est très déçu de ne pas avoir reçu le prix de la Pléaide…

            Un roman à découvrir et qui bouleverse tout d’un seul coup. On retrouvera bien sûr les caractéristiques du thriller avec une trame policière, un vocabulaire anglo-saxon et des tournures de phrases simples mais efficaces qui ne laisseront pas le lecteur insensible ! C’est le cas de le dire ! Ceux qui aiment les romans policiers vont se régaler… ou détester !


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