Publié en 1796

Le Moine par Matthew G. Lewis     ROMAN de la nuit noire et mystérieuse, Le Moine de Matthew G. Lewis, écrit en dix mois dans l’optique de divertir la mère de l’auteur, est un des romans les plus terrifiants qu’il puisse exister. Le roman se découpe en deux parties qui finissent par se relier au début : d'un côté Lorenzo de Las Cisternas et l'intrigue des soeurs du couvent de Sainte-Claire et de l'autre, l'intrigue du moine au sein du monastère. En Espagne, au début du 18ème siècle, époque des couvents, monastères et de l’Inquisition, période même où la religion exerce un pouvoir puissant sur le peuple, un moine, respecté de ses frères accueille un nouveau confrère.
            C’est Rosario, un jeune moine novice entouré d’un mystère puissant et pudique à la fois. Au fur et à mesure, notre moine, dénommé Ambrosio, se lie d’amitié avec ce nouveau venu et l’apprécie beaucoup malgré son mystérieux passé. Son visage est toujours caché par le capuchon de son habit, jamais il ne dévoile son visage.
            Mais cette amitié s’accroît, jusqu’au jour où Ambrosio découvre que Rosario est une femme, c’est Mathilde. Le pêché dans un monastère ! Une femme a pénétré cet espace sacré réservé aux hommes. Alors sa passion pour le jeune homme, maintenant femme, s’amplifie encore et Ambrosio commet alors son premier vice, son premier méfait. Il s’abandonne à Mathilde.
            Mais la passion du Moine s’amplifie encore, il désire Antonia, une jeune fille dévote qu’il a plusieurs fois repérée à l’Eglise. Il n’est plus digne d’être un moine, toute raison n’est plus. Ainsi, Mathilde, devenue son amie après avoir été sa maîtresse, use de la magie noire pour l’aider et invoquer un esprit malfaisant qui pourra aider le moine à assouvir ses désirs.
            Armé d’un bâton maléfique qui ouvre les portes et qui permet d’endormir Antonia, le moine est surpris sur le fait, dans la chambre d’Antonia alors endormie. Elvire, sa mère, qui se méfiait déjà de ce moine semblablement pervers, s’attaque à lui mais décède sous le coup de poignard du moine.
            Affolé, le moine, voulant tout de même préserver sa réputation connue de toute la ville de Madrid, rentre au monastère. Insoupçonné par le respect que le peuple a pour lui, l’affaire est étouffée.
            Dans un même temps, une autre histoire se déroule, hors du monastère dans la famille des Las Cisternas, Lorenzo est éperdument amoureux d’Antonia. Mais c’est sur Agnès, sa sœur, que son concentre l’histoire. Celle-ci est dans un couvent depuis peu, mais tombe un jour amoureuse de Raymond. Un jour, le moine Ambrosio ramasse un mot de ce Raymond adressé à Agnès. Ambrosio en fait part à la mère supérieure, malgré les protestations d’Agnès. Quand le mère supérieure apprend alors la grossesse d’Agnès en plus ce mot, Agnès disparaît et est passée pour morte au moment de l’accouchement…
            Le roman finira bien sûr très mal pour le moine Ambrosio qui a poussé Agnès à sa « fausse mort » puisque celle-ci est en fait emprisonnée dans les caveaux du couvent. C’est la sœur Sainte-Ursule qui révélera, aux yeux du public, durant la fête du couvent de Sainte-Claire qui défile dans la rue, l’épouvantable secret de la mère supérieure et de quatre sœurs complices qui ont enfermé Agnès et l’on réduite à une prisonnière. Le peuple, soulevé par la honte, se déchaine sur la mère supérieure et dans d’affreux craquements d’os, roulée, tirée, écrasée par la populace, la mère supérieure expire quand on lui brise le crane. Le peuple s’en prend alors au couvent et y met le feu, détruisant tout.
            Lorenzo de Las Cisternas, au service de Raymond, retrouve avec ses archers Agnès, encore enfermée dans les caveaux et morte de faim. Tandis que, quelques mètres plus loin, le moine viole impunément Antonia qu’il a réussi à faire croire morte par le biais d’un narcotique et qui a été enterrée, elle aussi, dans ces caveaux. Les archers découvrent Antonia, qui s’est vainement débattue, au sol, poignardée et rattrapent le moine et son acolyte Mathilde, cachés dans un caveau dont la porte est cachée. Le scandale est à son comble.
            Mathilde et Ambrosio sont donc jugés par l’Inquisition. Mathilde prend la fuite grâce à la magie juste avant son jugement et exhorte Ambrosio à la suivre grâce à une formule de sorcellerie. Pusillanime, finalement, après plusieurs tentatives infructueuses, Ambrosio accepte de vendre son âme au diable sous l’apparence de Lucifer. Ce n’est qu’après que ce dernier annonce à Ambrosio qu’il n’aurait dû lui vendre son âme : en effet, le moine allait être gracié par l’Inquisition.
            Agnès se marie avec Raymond et Lorenzo, découvrant morte sa bien-aimée Antonia, épouse Virginie, une amie de la maison des Lac Cisternas. Le roman se conclue sur une morale : « Que celui qui n’a jamais pêché, lui jette la première pierre.

         ROMAN sanglant et comme l’armoirie du vice, Lewis publie en 1796 anonymement puis en reconnaissant la paternité, en Angleterre alors très conservatrice, un roman consternant, scandaleux et blasphématoire qui lui vaudra les foudres de sa famille et les éloges mitigées des critiques. Ce sera la seule œuvre pour laquelle Lewis passera à la postérité, le succès ne s’étant pas renouvelé après Le Moine.
            Il existe trois traductions françaises de cet ouvrage, la première de 1796, faite sans grand respect de l’esprit du roman, celle de Léon de Wailly de 1840, époque où le roman gothique revient à la mode, certainement la meilleure traduction qui puisse exister puisqu’elle recrée parfaitement l’harmonie entre le texte et le fond. Et celle d’Antonin Arthaud, publiée en 1931 chez Gallimard en pleine période Surréaliste, qui dévoile plus une réorganisation-traduction (une version spéciale du en somme) qu’une traduction pure et simple puisque Antonin Arthaud a opéré de nombreuses coupes et a changé l’ordre de certains passages en s’appuyant sur la traduction de De Wailly.

            QUEL effroyable roman ! J’ai commencé à la lire et je n’ai pu changer de livre tellement la trame de cette histoire est passionnante. Comment peut-on croire qu’il a été publié en 1796 ? Ce roman m’a beaucoup plu. Au début, l’on est un peu perdu parce qu’il n’y a aucune mention précise du cadre spatio-temporel mais l’on se rend compte que cela se passe en Espagne à Madrid, certainement au début du 18ème siècle.
            Ce roman fait peur, oui, c’est le mot, ou en tout cas provoque la peur, et l’angoisse même, déjà les blasphèmes répétés du moine qui sont tout à faits effrayants car dénués de pitié, qui font languir le lecteur et le roule dans une histoire tout simplement débordant d’ignominie. Mais outre la trame principale, d’autres histoires, inspirées de légendes se mêlent comme celle de La Nonne Sanglante qui, comme Artaud, m’a passionné et m’a aussi fait également très peur provoquant de sacrées sueurs froides.
            Il faut absolument lire ce roman le soir, bien au chaud, après avoir correctement fermé portes et volets pour apprécier la prose de Lewis. Et surtout se laisser porter par le texte qui est très facile d’accès, en tout cas la version d’Antonin Artaud, ci-contre (image à droite), que j’ai lue sans aucun problème de vocabulaire et qui n’est pas à mes yeux rebutante.

            L’intrigue a d’ailleurs été plusieurs fois adaptée à l’écran en 1972, en 1990 et dernièrement en 2011 dans un film franco-espagnol dont l’acteur principal, le français Vincent Cassel est le moine, film que j’ai vu et qui respecte, il me semble, assez l’histoire de Lewis.
           

            La page française de Wikipédia consacrée au roman Le Moine de Lewis est désespérément vide contrairement à la page espagnole et anglaise qui proposent toutes deux un résumé détaillé et font état de l’accueil de la critique à l’époque de la publication.

Mis à jour le 29/01/2013

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