DANS
le Québec, à la fin du XIXème siècle, une famille, les Chapdelaine est
installée depuis quelques années déjà à l’écart de toute la population, vers
Péribonka, près de la rivière. Une immense et dense forêt entoure leur
maison de planches et leur quotidien est celui des premiers colons :
travail de la terre, été comme hiver, le regard toujours porté sur la météo et
sur la santé de la famille. C’est au sein de cette famille que l’histoire prend
forme. Confrontée aux rudes et longs hivers et aux courts étés, Maria
Chapdelaine, l’aînée de la famille prend conscience qu’il est temps pour elle
de trouver un mari.
Seulement, là où ses parents habitent, la
situation est au point mort : peu de visites, isolement total, travail
rude et long quotidien. Les seules fois où les Chapdelaine sortent en ville à Péribonka,
c’est pour la messe de minuit à l’église où toute la famille revoit les
vieilles connaissances et recueille les nouvelles des contrées lointaines. Mais
plusieurs hommes perdus dans la forêt rendent régulièrement visite à Maria Chapelaine,
tels que François Paradis, Lorenzo Surprenant, Eutrope Gagnon. Le temps passe
et Maria Chapdelaine développe un certain faible pour François Paradis. Déjà
elle se projette un avenir réconfortant. Il faut dire aussi que François
Paradis lui promet d’aller vivre en ville. Maria envisage ainsi un moyen de
sortir de ce profond isolement et de sa solitude. Mais François Paradis, un
jour d’hiver et donc de grand froid, décide de s’en aller de son travail en
ville pour aller rejoindre Maria pour le nouvel an mais en s’en allant seul
dans la forêt alors qu’une tempête fait rage, il s’est « écarté »,
ce qui signifie qu’il est fatalement mort de froid. Maria ne s’en remet pas, et
prie de nombreuses fois, François Paradis lui avait fait la promesse de revenir
au printemps pour une vie à deux.
Encore une fois le destin de Maria est froissé. L’été
arrive et toute la maison se remet au rythme infernal qu’impose la courte
saison. Les champs et l’élevage des bêtes constituent l’essentiel de leur
travail. Mais Maria n’arrive pas à s’en remettre. Ce sont ses parents, aidés du
prêtre, qui lui demanderont avec insistance de tourner la page. Maria alors n’a
plus que deux prétendants. Lorenzo lui promet d’aller vivre en ville, aux « Etats »
(comprenez « Etats-Unis d’Amérique » comme le disent les paysans),
vivre tranquillement et faire les magasins, là où des « chars » (comprenez
« tramways ») traversent la ville de toutes parts. Cela fait rêver
Maria dans cette vie de labeur triste et désolante. Mais bientôt, c’est sa mère
qui, atteinte d’une étrange maladie qui la cloue au lit, meurt, après avoir été
diagnostiquée par deux médecins et un guérisseur : son mal est inconnu et
provoque de violentes douleurs dans tout le corps. Ce terrible coup finit par
faire envoler tous les espoirs de Maria. Aux côtés de la défunte, Samuel
Chapdelaine, son père, lui raconte leur longue et simple vie, ils ont acheté un
terrain, l’ont fait fructifier et l’ont vendu, lassés du lieu dans lequel leur
vie végétait et évoluait pour trouver un autre endroit où s’installer. La
maison où Maria a vécu toute sa vie était leur troisième modeste demeure, loin
de toute civilisation, à deux heures de route de Péribonka, bien au Nord. L’histoire
de cette vie faite de travail et de sueur constants influencera beaucoup Maria,
balayant ses illusions d’une vie meilleure.
La difficulté du quotidien et l’hiver qui dure
contraignent Maria à repousser ses projets d’avenir et puis, Lorenzo n’y tient
plus. C’est alors à Eutrope Gagnon, colon canadien-français, que Maria promet
de se lier pour vivre à deux, mais celui-ci doit encore attendre, Maria est
maintenant devenue la femme de la maison et tout le travail que faisait sa mère
lui revient à présent et enfin, ses petits frères et sa petite sœur Alma-Rose
comptent sur elle.
L’auteur, mort en 1913, n’a d’ailleurs jamais
connu la célébrité de son roman. Une première fois publié dans Le Temps entre le 27 Janvier et 23
Février 1914, il n’attire pas l’attention. Ce n’est qu’en 1921 que Grasset le
fait connaître au grand public en lançant une réédition de l’ouvrage. Au final,
il existe aujourd’hui plus de 250 éditions de Maria Chapdelaine, traduit en plusieurs langues et beaucoup
illustré.
Le roman devient donc un mythe littéraire et sera
utilisé par l’église catholique pour les valeurs traditionnelles et
conservatrices qui y sont représentées. Il deviendra donc pour les québécois le
symbole de leur indépendantisme national face au Canada-anglais et pour les
français, l’illustration de la vieille France. Il reste le roman le plus
célèbre du Québec. Un comté du Québec, au nord du Lac-Saint-Jean, est d’ailleurs
nommé le « MRC Maria Chapdelaine » en l’honneur du roman. Il est aussi
grand que la Suisse.