Bientôt le blé pousse et sa couleur blonde indique
qu’il est prêt pour la récolte. Gédéon organise alors une récolte en se faisant
aider par les autres cultivateurs de la région à qui il donne une fête et un
grand repas en plein air (c’est l’été).
Seulement, Beguildy n’a pas dit son dernier mot et
quand il apprend que sa fille Jancis s’est enfuie en abandonnant son poste de
femme de chambre pour se réfugier chez Gédéon, cela le rend fou et il décide, par
méchanceté ou désir de revanche de brûler toute la récolte. Récolte qui devait
donner beaucoup d’argent depuis les récentes augmentations du prix du blé et
les subventions.
Le soir même de la récolte, alors que les flammes rongent le blé et l'avoine, tous
les espoirs de Gédéon sont réduits en fumée. Beguildy est envoyé en prison
avant un très probable jugement tandis que Jancis et sa mère sont contraintes
de quitter la région.
Et le chagrin d’amour continue, séparant à nouveau
les deux futurs époux. Jancis en meurt. Et Gédéon, de nature insensible et dure
comme son feu père, ne pouvant pleurer et encore en colère contre Jancis et sa
famille pour avoir brisé ses rêves, préfère se noyer dans l’étang du domaine
des Sarn.
La mère Sarn décède aussi. Prue demeure ainsin la seule
survivante de cette tragédie économico-sentimentale. C’est alors que Prue,
toujours aussi mal vue par les autres cultivateurs de la région, est accusée d’être
la responsable de cette série de malheurs. Elle se fait lyncher par le peuple
pour ensuite être lapidée, mais cette fois-ci, c’est Mr Woodseaves (homme connu
et maintenant respecté du pays depuis l’affaire du combat de chiens) qui vient,
en preu chevalier, la sauver de la haine et de l’obscurantisme ambiant, l’emportant
sur son cheval et l’embrassant tendrement sur la bouche.
ET c’est ainsi que Prudence Sarn fut enfin
heureuse.
ECRIT par Mary Webb (1881-1927), une génie
méconnue en Angleterre, Precious
Bane est son cinquième roman. Il est publié en 1924 et traduit en français par Jacques de Lacretelle sous
le nom de Sarn en 1930. Le traducteur
fait alors connaître en France cet écrivain méconnu. L’œuvre a été écrite à
Hampstead, faubourg de Londres. Le livre est récompensé du Prix Femina - Vie
Heureuse en 1926. Mary Webb meurt l’année après. Ce n’est qu’en 1928 que
le premier ministre britannique de l’époque, Stanley Baldwin fait connaître le
roman en le préfaçant et en déclarant que c’est l’un des plus grand roman
anglais du siècle.
C’est un roman de la terre et de
la nature par
excellence, ancré dans une campagne archaïque, dans ses traditions
ancestrales, où la religion et la famille sont les valeurs principales
d'une existence heureuse et épanouie. C’est aussi le roman de la
solitude, du calme et de
la contemplation et en même temps de la vie, du travail et des
relations
humaines. C’est un livre comme brodé, de manière que tous les fils
s’organisent
parfaitement pour former une très jolie dentelle. Il y a une rusticité
frappante qui fait retourner l’homme aux bases de la vie.
Grâce à la biographie de Mary Webb, on
retrouve l’origine de l’infirmité de Prue Sarn (bec de lièvre) puisque l'auteure
souffrait d’un goitre (gonflement de la thyroïde).
Je me suis très vite attaché au personnage de Prue
Sarn et à son récit comme sorti d’un autre temps. J’ai été littéralement
emporté par la beauté des magnifiques descriptions de la campagne anglaise, de
cette nature intacte, omniprésente et sauvage. Ce sont des descriptions
chargées d’une force poétique et d’une mélancolie à couper le souffle.
Les histoires d’amour qui mènent le récit plongent
le lecteur dans les longs questionnements de Prue concernant sa vie en général
et les sentiments qu’elle éprouve. C’est donc essentiellement un roman de la
lenteur et de l’évolution de la pensée et donc de la remise en question.
Le livre se révèle être une précieuse photographie
du début du XIXème siècle : on y retrouve
les thèmes de la religion, de la superstition, des légendes, de l’analphabétisme,
de l’obscurantisme, des préjugés, de la tradition, de la famille et du travail
de la terre et des bêtes. Ce sont des hommes isolés du monde qui les entoure et
qui vivent comme ont vécu leurs ancêtres. Un roman donc comme arrêté qui laisse
le temps au lecteur d’imaginer les lieux et ainsi le laisse vivre et ressentir
le texte, comme quelque chose d’authentique et de précieux.